Carnets

Deux jours en juin

Retour sur le chemin de l’école pour la seconde fois de la semaine sous un soleil estival et un peu de fraicheur parce qu’il est encore tôt. Quart d’heure délicieux entre un père et son fils, promenade dans le vieux Vannes puis dans un parc de la ville, sentier des écoliers depuis cinq années emprunté : la vie réserve de ces petits bonheurs ! Bientôt ce seront les grandes vacances puis la rentrée en sixième dont le contour sanitaire nous échappe encore. Inutile de se projeter, l’été démarre triomphant, sûr de lui, nappé d’un soleil prometteur et d’une relative accalmie côté covid. Inutile donc de gâcher ces dernières journées de juin, déambulations magnifiques, flâneries qui riment déjà avec regret et nostalgie. Cinq ans ! Que la vie est belle mais parfois si leste. Je me revois encore dans le bureau de la directrice en train de vanter les mérites de mon enfant prodige pour qu’elle l’accepte dans sa classe. Le CP est sur toutes les lèvres, mais les deux mots, cours préparatoire, disent tellement de choses. Déjà parce qu’on y apprend à lire, à écrire mais surtout pare qu’on y prépare sa vie. L’enjeu est de taille, inutilement circonscrit à l’alphabet. Quand bien même il le serait ! Mot magique également aux racines si lointaines qu’elles en deviennent oubliées. Comme l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. Je sens pointer le nez du spleen magnifique du vieux papa mélancolique des années passées.

Evidemment on l’aurait souhaité différente cette année finale à la “petite école”. Le home schooling est passé par là, efficace finalement mais exempt de ces petites contraintes qui embellissent le quotidien. L’élève rythme seul ces journées durant lesquelles français, mathématiques ou histoire font bon ménage avec Youtube et Fortnite. Avec le recul cette nouvelle manière de travailler semble un tremplin efficace pour l’entrée au collège. Les devoirs envoyés par mail chaque lundi obligent à s’organiser différemment avec l’aide de papa ou maman, plus souvent maman, pour avancer chaque jour. Les pays européens et les capitales n’ont plus de secret pour notre petit cm2 qui s’est vu proposer un jeu en ligne pour améliorer ses connaissances en géographie. Les progrès sur les jeux de bataille royale sont incontestables. Croisons les doigts et espérons qu’il en sera de même pour les fractions, l’accord du participe passé ou encore les conquêtes napoléoniennes. Coup de chapeau aux équipes de son école qui ont réussi à inventer une manière nouvelle de faire la classe en permettant aux parents de tenir la barre malgré tout.

Les dernières matinées marquent un retour presque à la normale durant lesquelles je retrouve les habitudes nombreuses prises depuis cinq ans ainsi que les habitués que leurs horaires de travail amènent à croiser notre route. Je calculais qu’il restait encore deux matins avant de tourner la page. Deux matins encore à se saluer sans se connaître, à se sourire. Deux jours encore et le chapitre sera clos. On se demandera ce que sont devenus le petit garçon et son papa. On les croisera peut-être ailleurs mais la répétition réconfortante de l’habitude se sera tue. Des regards amusés, le regardant sortir de son nouvel établissement entouré des copains. Pas encore un homme, pas même un adolescent mais définitivement plus l’enfant côtoyé saison après saison, emmitouflé dans une doudoune un peu grande et parlant, parlant sans cesse, usant chaque seconde de l’itinéraire quotidien pour discuter sans relâche avant de s’évanouir sans se retourner une fois passé le large portail bleu. Combien de fois suis-je resté interdit à contempler sa petite silhouette disparaître au milieu des cartables chahutés ? Jamais il ne se sera retourné. […]

📖 Ce texte est un extrait de mon livre PRÉLUDE.

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