Devais-je m’attendre à ce que l’écriture devienne acte de résistance quand j’ai décidé de prendre la plume pour tuer le temps du premier confinement, entamant un journal qui très vite se muerait en chroniques d’une épidémie, critiques de la situation sanitaire et de ses conséquences sur notre quotidien et nos libertés ?

Capituler, fuir, obéir, reculer, se rendre. Autant de termes qui éveillent un sentiment de lutte et de révolte, émotion mêlée de dégoût et de mépris face auxquels se dresse un seul mot : résister. Résister à une forme insidieuse de totalitarisme. Résister à la bêtise.

Etait-ce aussi simple ? Etait-il suffisant de crier haro sur la sottise ? Il suffirait de décrire le réel, de faire confiance à Hegel : la rationalité nous sauverait. La réalité est tout autre. Nous plongions dans une  dystopie inédite qui voyait l’état providence finir de s’effondrer au profit des lobbies et de la doctrine néo-libérale. Une doxa nouvelle voyait le jour, mêlée de novlangue et de pseudo scientisme, sourde aux critiques et aux discours contradictoires. Le cirque médiatique s’emballait,   oscillant entre propagande et clientélisme de la peur. La censure s’invitait partout, en particulier sur les réseaux sociaux.

Nous n’habitions plus Paris, Nantes ou Marseille : nous vivions à Wuhan. Face à la sidération et l’hébétude, que faire d’autre sinon décrire le réel ? Ce qui n’était qu’intuition devenait certitude à mesure que les paroles dissidentes se libéraient. Révélations certes éphémères : le doute seul permet d’assoir la connaissance.

Ecrire, c’est résister. Je ne supportais plus le monde dans lequel je vivais, j’en inventais un autre entre souvenirs anciens et lointaines chimères, projetant ma propre histoire sur un univers imaginaire et onirique où l’auteur et ses doubles improvisent une chorégraphie inattendue, étrange comédie au sort incertain qui mélange le temps à la géographie des lieux. Le temps, c’est à dire la mémoire, anamnèse qui semble ranimer un passé disparu alors qu’elle ne fait que produire un récit qui se nourrit de réminiscences qui ont oublié depuis longtemps les endroits qu’elles croyaient dépeindre.

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