Chroniques d'une épidémie

Journal du confinement (12)

Le soleil vient de faire son grand retour accompagné de nuée d’hirondelle. Des sons printaniers, que le bruit habituel de la cité ne trouble plus, pénètrent par la fenêtre. Les voitures se font rares et les bus ne roulent pas. Il reste quatre jours encore pour profiter de la nature recommencée et libérée au cœur de nos villes. Fermer les yeux, laisser glisser cette sensation étrange qui me transporte. Perdu dans une cabane en rondins posée au bord d’un lac. J’ai sorti ma table sur la coursive qui longe la maison. Rien ne trouble la quiétude de cette soirée extraordinaire où je contemple incertain le bal des Hirundininae, ni le bruit d’un volet qui se ferme, ni la rumeur triste d’une télévision. D’où vient alors cette étrange mélancolie que je sens naître, cette torpeur maligne qui s’empare de mes pensées ? Le vent du soir souffle dans les branches et compose une mélodie triste qui rident les eaux calmes. La lumière faiblit, baignant mon repère d’un halo douceâtre. J’aimerais entendre les cris et les rires des enfants. La nature idolâtre m’enferme à son tour. Je masse longuement mes cuisses. Trop souvent assis, des courbatures se font sentir. L’onde brillante m’invite mais je n’ose m’y aventurer. Un rêve passe.

Il faudrait fêter dignement ces derniers instants en solitaire. Je comprends Moitessier qui préféra continuer sa route plutôt que de faire cap au nord vers l’Angleterre et la civilisation. Le confinement m’aurait-il donc rendu asocial ? Je discutais hier après midi avec des anciens voisins venus gentiment me saluer, m’observant en spectateur de moi-même et jouant le rôle qu’on attendait de moi alors que ma seule hâte était de claquer le porte et de m’enfuir. Combien de situations, combien de figures différentes ? Il y a deux mois, le quotidien se déroulait encore sans faille, chaque matin accompagnait le suivant, naturellement. Certains dimanches soirs voyaient se répandre une ombre noire qui obscurcissaient l’âme. La faute à la rupture du week-end, cassure interrompant un triptyque rôdé : métro, boulot, dodo. Mais depuis deux mois tout a volé en éclats ! L’heure du réveil varie d’un jour à l’autre. Seul maître de mes journées, je traîne sans but, errant dans l’appartement, insensible aux occupations qu’il me propose. Les livres restent fermés, la musique se tait, les touches du piano ne dansent pas, les DVD vierges gardent leur enveloppe de cellophane, pas de recettes nouvelles, pas de pain, pas de crêpes. Ivre des possibles et du temps infini, je contemple les heures qui s’enfuient. Quelques piétons remontent l’avenue le visage découvert. Tout le monde réclame des masques, personne n’en porte. Nos trottoirs ne prévoient pas la distanciation sociale, des épaules se croisent et se touchent. Un air de bagarre, des regards qui se méfient. Les sourires ont disparu. Dans les centres commerciaux, les vigiles sont à la peine, la tension grimpe et la courtoisie expire.

Vendredi, samedi, dimanche. Tous les esprits se focalisent sur le jour d’après, libération promise où tout sera tellement différent. La peur nous encercle. Le discours officiel nous empêche de voir une possibilité : l’épidémie pourrait être en train de disparaître en France. Deux possibles, un seul choix, une seule voie tracée dans un sillon de terreur et d’affolement. Tout nous prépare au pire, rien au meilleur. Le mécanisme des épidémies courtes nous échappe. Les études se contredisent rendant inaudible la parole de la Science. «Tout serait fini dans quinze jours» répètent les uns, «Il faudrait resté confiné deux ans pour les plus fragiles» répondent les autres. Autant de médecins, de professeurs assis sur leurs convictions. Depuis quand la science serait-elle dogmatique ? J’écoute stupéfait des virologues expliquer que la combinaison HCQ-azithromycine ne peut pas avoir d’effet parce que la théorie indique que c’est impossible. Newton aurait-il désavoué Einstein ? L’anthropologue et expert en santé publique suisse Jean-Dominique Michel indique que seulement 20% des études publiées dans les revues médicales sont reproductibles à 100%. La médecine cherche à tâtons financée par des intérêts privés sans objectivité. Caricature ?

Il faut faire vite désormais. Quelle effervescence ! Des brigades armées de chiffons décontaminent les salons de coiffure et d’esthétique, les écoles, les boutiques de prêt à porter. Autant de locaux vides depuis 2 mois. Dois-je rappeler que la durée de vie du virus dans l’air ou les surfaces ne saurait dépasser quelques jours ? Le principe de sécurité à son paroxysme, la stupidité aussi. Rassurer une population transie de trouille mais surtout se délivrer de toute responsabilité. Les mots de la directrice de l’école de mon fils me restent en travers de la gorge : « Assurer la sécurité des élèves et des personnels, que ce soit en cette période de crise ou en temps normal est une obligation de moyens et non de résultat.» Tout est dit ! Apprendre aux enfants à lire et à écrire, est-ce également «une obligation de moyens et non de résultat» ? La lecture du protocole (1) fourni par le ministère de l’éducation nationale est édifiante à plusieurs titres. D’une part parce qu’il est hors-sol, les technocrates rédacteurs ont-ils jamais pénétré dans une école ? D’autre part parce que certaines consignes, notamment sur la désinfection des locaux, sont appliquées avec démesure dépassant l’esprit et la lettre du document. S’agit-il de sécuriser et de répondre aux inquiétudes ou bien d’apaiser la colère qui gronde ?

Que cachent ces journées de printemps, ce soleil retrouvé, la chaleur qui invitent aux tenues estivales ? Quelle tragédie nouvelle se déroule sous nos yeux orchestrée par un chef de l’état qui invente le rôle qu’il estime être le sien et nous refait le coup de la culture qui sauverait le monde faisant allusion à Julius Evola, théoricien d’un élitisme antimoderne fondé sur la référence à une tradition « aryo-nordique » (2) ? Les gens meurent dans des hôpitaux désarmés, reflets de notre dérive technocratique, et Monsieur Macron nous invite à «Chevaucher le tigre» ! (3) Que faut-il souhaiter ? Soit l’épidémie se termine dans quelques semaines invalidant la stratégie sécuritaire de la plupart des Pays d’Europe au risque de voir la contestation s’amplifier. Soit elle dure, entrainant avec elle son cortège de morts, de lois liberticides et un anéantissement économique de nos société. La fin de notre civilisation.

1 – GUIDE RELATIF A LA REOUVERTURE ET AU FONCTIONNEMENT DES ECOLES MATERNELLES ET ELEMENTAIRES
2 – Julius Evola source Wikipédia
3 – Chevaucher le Tigre, Julius Evola, 1961

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