Chroniques d'une épidémie

Joyeux Noël

Nouveau séjour andalous. Je découvre que le sud de l’Espagne n’est pas à l’abri des journées pluvieuses. Arrivés samedi dernier via le vol Nantes-Faro, nous espérons une éclaircie qui ne vient pas. Cette embellie nous l’attendions tous alors que nous nous apprêtions à fêter Noël. Période idéale pour pardonner et écrire un texte à la guimauve, plein de compassion et de bons sentiments.

Avant de m’envoler vers le Portugal, j’avais commencé cette quarante-septième chronique par ces quelques mots : Mini tremblement de terre hier soir : Castex a annoncé le pass vaccinale. La petite liberté qui restait aux non vaccinés pour vivre et travailler vient de sauter. Dans le même temps on annonce l’injection quasi obligatoire pour les touts petits. Les masques tombent, les verrous sautent les uns après les autres. La résistance n’en serra que plus forte, motivée. « Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne ? Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.».

Finalement, je n’ai pas continué, j’ai jeté les gants, ouvert la fenêtre et regardé la pluie tomber, spectateur d’un monde où je ne trouve plus ma place. En silence je suis retourné à mon roman, à ce récit dont je ne sais plus très bien s’il vaut la peine d’être terminé. Me taire et écrire.

Je me rappelle la remarque récente d’une amie : « on sent énormément de lassitude dans ta voix ». Voilà, je suis lassé. Lassé de vivre dans un Monde où seuls règnent folie et argent, double facette d’un même pouvoir. Depuis quelques mois, le goût de vivre dans mon univers habituel a disparu. Je sens que je fuis les choses. Comment définir cette sensation et le comportement qui en résulte ? Etranger en quelque sorte à l’espace que j’habite. Je me réfugie dans mon appartement, commande le plus souvent un repas via Uber, maudissant mes voisins trop bruyants ou potentiellement dérangeants. J’écoute les pas dans les escaliers craignant un coup à la porte. Mon ermitage n’est qu’un leurre. Je ne sais pas si je suis plus fort comme le voudrait Nietzsche. Je pare les coups et je résiste. Tenir bon, ne pas céder.

Cette sensation je la connais. Je l’ai vécu en mer. Ne pas avoir d’autre choix que de ramener le bateau au port. Barrer par des nuits sans lune, lame après lame. Sentir la coque qui monte sur la vague, se cabre puis la dévale. Guetter le cargo qui croise, les pêcheurs feux éteints, la bouée à la dérive. Les sens aux aguets, l’oeil rivé à un horizon invisible qui bientôt s’éclaircira reflétant les premiers rayons du soleil.

Lassé de tout, il me reste la vanité. J’aurais aimé offrir une chronique de Noël sensationnelle, petit texte incisif et brillant qui verrait fleurir partages, commentaires élogieux et félicitations. Ecrit sucré, mielleux et fédérateur. Mes amis vaccinés y auraient vu de la repentance, le signe que finalement je ne leurs donnais pas tort. Les autres auraient loué ma tolérance et ma bienveillance. L’esprit de Noël en somme. Ce désir fraternel de se retrouver, en famille, entre proches pour célébrer un moment universel d’attention et de partage. Deviner le regard des enfants qui s’éclaire, espérant que Santa Claus leur aura apporté le cadeau tant désiré. Entendre des rires, des anecdotes nouvelles ou bien tellement éculées qu’elles en deviennent mythiques. Se coucher tôt ou tard. Sortir. Admirer les illuminations. Marcher dans la neige. Le bruit du papier cadeau qu’on déchire. Un feu qui crépite. Flammes des bougies qui illuminent la table de fête. Un doute, un souvenir.

Oui, j’aurais décrit ces instants magiques où notre âme d’enfant se rappelle à notre souvenance et nous emporte dans les couloirs du temps. Je n’aurais pas évoqué les 600 000 personnes laissées seule parce que positives à un test stupide et discriminant, les petits enfants abandonnés par leurs grands parents parce que non injectés. Je n’aurais pas mentionné ce récent sondage qui indiquait qu’un vacciné sur cinq n’accepterait pas de réveillonner avec des personnes non vaccinées. Je n’aurais pas dénoncé ces gendarmes venus interrompre des séances de cinéma à Chateaubriand exigeant que le film soit arrêté et qu’on allume les lumières pour contrôler les pass sanitaires. Non, je n’aurais rien écrit, taisant la formidable colère qui m’habite en lisant ce tweet de Jean-Marc retraité fervent soutient de notre président. Totalement vacciné. Adepte de la pétanque et du lancer de fléchettes : « Les antivax doivent être arrêtés et vaccinés de force si nécessaire ».

Seulement voilà, la guimauve ce n’est pas mon truc, le pardon et la tolérance non plus. Vouloir à toute force garder son calme et supporter la bêtise de Jean-Marc, de son pote Serge et de ses camarades retraités disponibles pour me contrôler, non merci ! Les annonces de Castex s’apparentent à une déclaration de guerre, reprise en cœur par les généraux de l’empire macronien, Véran le premier. Ce ne sont pas les 500 000 signatures d’une pétition contre le pass vaccinal ni les manifestations hebdomadaires le samedi qui changeront le cours des choses. Nous avons face à nous un monstre hideux qui ne se cache plus. Relents nauséabonds, pétinisme d’operette. Rendre coup pour coup, partout où c’est possible. Ne pas laisser éclater son courroux mais cesser de se taire. Quelles qu’en soient les conséquences, quel qu’en soit le prix à payer.

Parmi ceux qui ni ne se taisent, ni ne renoncent, Cédric Herrou dont le combat en faveur des sans papiers a été fortement médiatisé. Facebook m’apprend qu’il souhaite défendre les droits d’un jeune de 15 ans, contrôlé par la police française et reconduit en Italie, dormant depuis sous un pont à Vintimille. Une autre publication qui compose mon fil d’actualités sobrement commentée « la magie de Noël » montre deux enfants bon chic bon genre en train d’ouvrir les paquets assis sous un joli sapin qui abrite une montagne de cadeaux. Je repense à ces mots d’une connaissance, totalement vaccinée, réagissant à l’une de mes chroniques, lassée elle aussi du monde qui nous entoure, pointant du doigt l’inutilité des prises de position alors que des gosses crèvent en Afghanistan. Nous faisons le même constat, nos analyses différent. Je n’ai pas besoin d’évoquer Kaboul ni tous les endroits où meurent des mômes victimes de notre indifférence et du système politique et économique dans lequel nous nous complaisons pour justifier un quelconque inaction au motif qu’on ne peut rien faire.

Pendant ce temps, les chaînes d’information continuent de propager leur message de haine, stigmatisant les personnes non vaccinées qui seraient responsables de tous les maux. Les derniers chiffres de la DRESS indiquent pourtant que 62,5% des décès covid ont reçu le vaccin mettant à mal la propagande télévisuelle. On déprogramme des opérations importantes parce que les services hospitaliers sont saturés mais cela fait 20 ans que cela dure. J’ai réussi à avoir un rendez-vous chez le dentiste pour mon fils le 20 avril : je dois m’estimer heureux.

Au moment où j’écris ces lignes, la tempête souffle vers les hauteurs de Ayamonte qui se confondent avec le gris des nuages. Nous n’irons pas déjeuner sur la plage. Une brise nouvelle semble donner vie à l’inspiration perdue. Le vent du large porte un murmure incertain où il est question d’espérance et de convictions. Le soleil même tente une percée à travers les nuées. Je crois aux signes.

Joyeux Noël.

Commentaire sur “Joyeux Noël

  1. Pareil, vu d’ici. Malaise et doutes, toujours.
    Et aussi, quand même, un post de Charlelie Couture, la colère d’Antoine Wauters, petites lueurs dans la fureur…
    Croire aux signes, oui.
    Du coup, en péninsule ibérique, c’est comment ?
    Heureuse fin d’année !

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