Chroniques d'une épidémie

La voix du gourou ne mène qu’à la porte du gourou

Albert Camus a 25 ans lorsqu’il entreprend un projet de roman autour d’une épidémie. Sait-il déjà que La Peste sera une analogie au nazisme qui se répand alors en Europe ? Non répond Barthes qualifiant la référence au contexte de la Seconde Guerre mondiale comme un « malentendu », recevant la réponse cinglante de Camus lui-même : « La Peste, dont j’ai voulu qu’elle se lise sur plusieurs portées, a cependant comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme. » Qu’importe au fond que des années noires aient ou non bouleversé l’entreprise initiale. Ou plutôt même, tant mieux parce qu’elles témoignent de l’intelligence de l’écrivain à anticiper la crise et à projeter le récit plus loin que l’Histoire elle-même.

La crise actuelle n’est pas comparable. En rien. Elle figure pourtant une faillite des élites politiques et intellectuelles. Songeons qu’en France la résistance au lobbying pharmaceutique s’organise autour de la parole des professeurs Raoult et Perronne. Notre santé mise en danger, notre liberté restreinte pour quelque centaine de milliers d’euros faussant les jugements et les décisions des gouvernants ? L’Histoire jugera. A condition que d’autres voix s’élèvent, que l’intelligence revienne au cœur des débats et que les données ne soient plus faussées ou malmenées. Le rôle des clercs, des historiens notamment sera primordial pour nous permettre de comprendre ce qui se passe. Ce ne sont pas les quelques auditions en commission à l’Assemblée Nationale qui nous éclaireront durablement non seulement sur les erreurs passées mais également sur l’extraordinaire instant que nous vivons sans prendre totalement la mesure de ce qui advient : « La musique savante manque à notre désir. »

On est plus sauvé par l’imagination que par l’intelligence » (2)

Longtemps je me suis cru intelligent ne comprenant pas que je ne faisais qu’imiter, donnant satisfaction à un système dans lequel je réussissais à me glisser. J’en maîtrisais les codes, les contraintes, les rictus et les sourires de connivence. Quelle imagination par contre pour donner le change, devenir l’acteur qu’on espérait que je sois, inventer jour après jour mon personnage, séduire par désire de ne pas déplaire.

Je relis ces dernières lignes écrites il y a quelques semaines et laissées en suspens. Elles me font immédiatement penser à Emmanuel Macron. Voilà qui le définit parfaitement. Son imagination le sauve. Celle qui le conduit à faire étalage de sa culture dans un sabire incongru que chacun interprète à sa manière, critique ou laudateur : « On rentre dans une période où on doit en quelque sorte enfourcher le tigre, et donc le domestiquer. Il ne va pas disparaître le tigre, il sera là. Et la peur sera là dans la société »,

Il y a quelque chose du Gourou (3) chez Emmanuel Macron. 4 ans déjà. Je terminais la lecture au premier degré de son livre Révolution, en avalait un autre écrit par Nicolas Prissette. La campagne de 2017 a été une vaste manœuvre de séduction et de marketing. Mon grand père disait que «quand la chance se présente, on l’attrape même par les poils du cul». Emmanuel Macron est un opportuniste sans faille, un acteur né, capable de faire pleurer en évoquant sa grand mère ou de se donner une stature de philosophe héritier de Paul Ricœur. Aujourd’hui encore je croise des vieilles militantes En Marche qui se transforment en midinettes, l’œil brillant, prêtes à en découdre dès qu’on ose critiquer leur mentor. L’homme est habile et séduisant.Je m’en veux un peu de m’être fait duper. Je croyais connaître la politique, je n’en voyais que l’histoire officielle, écrite par les médias mainstream. Il faut se reprocher du pouvoir pour comprendre. S’essayer au jeu, simple militant à qui l’on attribue des rôles dont le rêve devient soudain de se faire connaître du Chef. Mathieu Sapin décrypte assez bien le personnage, se glissant dans la peau de Jean racine et attribuant le rôle de Louis XIV à l’ancien élève de Brigitte Trogneux (4). Facétieuse bande dessinée, héritière de l’esprit de Montesquieu et de ses lettres persanes, qui met en avant le roi soleil pour mieux critiquer le Prince Emmanuel (5). Double plongée dans le pouvoir pour mieux prendre distance avec les Jésuites et les Jansénistes comme pères fondateurs. La scolarité du jeune Emmanuel à l’école de la Providence à Amiens a façonné sa pensée bien d’avantage que le contact de Germaine Noguès (6) ou que celui de Ricœur. Sa personnalité se résume en quelques mots, mais en même temps, peu compatibles avec l’action politique : n’est pas Louis XIV qui veut.

A Port Royal des Champs il ne reste rien de l’abbaye où Jean Racine fut élève durant 10 ans. Il ne reste rien non plus, ou presque rien, de l’histoire du monarque écrite par Racine durant 20 ans. Que restera-t-il du règne jupitérien ? Les mesures d’exception prises par des technocrates pour lutter contre le covid ou les gilets jaunes entraînent notre pays vers une pseudo dictature inquiétante sanctionnée par le Conseil de l’Europe ou l’ONU, projetant un voile sombre sur la fin du quinquennat.

Il faut jeter le regard plus loin pour retrouver espoir. Presque deux siècles dans le passé, Chateaubriand :

« Des orages nouveaux se formeront ; on croit pressentir des calamités qui l’emporteront sur les afflictions dont nous avons été accablés ; déjà, pour retourner au champ de bataille, on songe à rebander ses vieilles blessures. Cependant je ne pense pas que des malheurs prochains éclatent : peuples et rois sont également recrus ; des catastrophes imprévues ne fondront pas sur la France : ce qui me suivra ne sera que l’effet de la transformation générale. On touchera sans doute à des stations pénibles ; le monde ne saurait changer de face sans qu’il y ait douleur. Mais, encore un coup, ce ne seront point des révolutions à part ; ce sera la grande révolution allant à son terme. » (7)

Nous nous serions bien passés de vivre cette révolution et d’entrer dans l’histoire. Notre petit rêve consumériste achoppe face au virus qui balaye habitudes et confort. La République tient. Secouée, malmenée par un gouvernement en mal de sécurité sanitaire et d’autoritarisme. Quelques juridictions forment rempart contre l’arbitraire. Hier la lois controversée sur l’urgence sanitaire qui prévoyait un régime d’exception subordonnant les déplacements des personnes à l’obligation vaccinale, a été retirée. Victoire momentanée, le ministre Véran souhaite la faire voter « après la sortie de la crise », épée de Damocles prête à trancher nos libertés. Pendant ce temps les résultats des tests PCR tombent quotidiennement. Le taux des positivité est revenu à son niveau du mois d’août sans qu’aucun média ne le mentionne. Seules les informations qui font peur ont bonne presse : demain on vaccine !

1 – «La voix du gourou ne mène qu’à la porte du gourou», Rabindranàth Tagore
2 – Je laisse deviner l’auteur de cette citation au lecteur qui pourra s’il le souhaite s’essayer aux devinettes en commentant cette chronique.
3 – « Le vrai danger, c’est de voir confier notre avenir aux dérives d’une extrême droite portée par cette famille d’intouchables du domaine de Montretout (propriété de la famille Le Pen ndlr) ou à l’aventure d’une politique sans programme depuis des mois, composée d’un agrégat de personnalités fascinées par un gourou issu du système qu’il dénonce aujourd’hui », François Fillon le 06/02/2017
4 – Mathieu Sapin, Comédie française
5 – Cf Emmanuel Le Magnifique, Patrick Rambaud
6 – Germaine Noguès dit Manette est la grand mère maternelle de Emmanuel Macton
7 – François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe Livre X

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