Santa Claus is coming to town
En guise de bilan, le calendrier ouvert de l’année 2022. Des bandes colorées rappellent les meilleurs moments : grands prix golf avec mon fils, week-end à Genève, séjour dans le sud de l’Andalousie, farniente en Bretagne avec l’île de Groix en guise d’horizon, allers retours en Normandie. Des bateaux, des trains, des avions. Des livres commencés, des livres lus. Quelques ballades en hiver sans pass sanitaire. Un dîner au Clos Margaux. Des feux de bois. Une robe bohème qui valse près de la chaleur d’un poêle. Une année se termine, une année commence, chacune avec leurs lots de petits drames, de grandes détresses, de rires aussi.
On aimerait croire que dans une semaine c’est Noël. Décorer le sapin, choisir les derniers cadeaux. Sentir des effluves de vin chaud et de marrons grillés envahir les rues dessinées par la foule. Voir les yeux des enfants pétiller. Courir ici ou là. Attendre impatients que la nuit tombe pour se promener sous les lumières scintillantes espérant quelques flocons.
Alors qu’une bruine glaçante floute les ruelles et les façades, les regards sont tournées vers le Qatar qui a organisé un Noël avant l’heure à 300 milliards de dollars. Qu’importe l’équipe gagnante, qu’importe les 6600 ouvriers morts pour construire les stades, qu’importe les pots de vin, qu’importe les droits de l’Homme piétinés par des semelles à crampons, qu’importe le désastre écologique, nous sommes tous perdants. 300 000 000 000 de dollars cramés comme Serge Gainsbourg brûlait un billet de 500 francs, l’indécence succède à la provocation. Pendant ce temps l’Ukraine continue de subir les assauts russes, les Russes continuent d’être stupidement ostracisés, les armes se vendent, l’argent coule à flot. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Oui, on aimerait croire que dans une semaine c’est Noël. Croire à une nuit magique où tous les enfants du Monde recevraient des cadeaux. Après tout, est-ce tellement plus incroyable qu’un virus qui contrôle le Monde depuis bientôt 3 ans ? Plus incroyable que les confinements et vaccins inutiles ? Plus incroyable que la liberté bafouée à coup de mesures imbéciles et de pass sanitaires ? Plus incroyable que la crise énergétique qui empêche de se chauffer ? Plus incroyable que la récession qui nous quête ? Plus incroyable que Julien Assange en prison ? Plus incroyable qu’un voile noir masquant les slogans féministes dans la vitrine d’une librairie ?
La liste est longue, sans fin. La danse macabre se poursuit dont nous sommes les pions idiots et dociles. On relit George Orwell : « le football, la bière et, surtout, le jeu, formaient tout leur horizon et comblaient leurs esprits. ». Ne pas penser, ne pas se rebeller, suivre les consignes comme un allumeur de réverbères. Il y a un peu de Sisyphe dans cet homme là. « La planète d’année en année a tourné de plus en plus vite, et la consigne n’a pas changé ! »
Quel espoir reste-t-il pour les rêveurs ? Un vent nouveau souffle sur Twitter libérant la parole. Les appels à la libération de Julian Assange se multiplient en Amérique latine. Le récent scandale, qui touche l’eurodéputée grecque Eva Kaili soupçonnée d’avoir touché des pots de vin, dessille quelques yeux aveugles quant au fonctionnement de l’Union Européenne. On estime à plusieurs dizaines de milliers le nombre de lobbyistes à Bruxelles ! Lobbying ou intelligence économique ça sonne bien, mieux que corruption ou conflit d’intérêt !
Fidèle à mes habitudes, j’ai posé une tasse de thé à côté du MacBook. Le Ceylan peine à me réchauffer, la radio numérique passe une chanson douces qui rappelle que je ne veux pas grand chose pour Noël. Un feu de bois, la voix de George Michael, des flutes flaves qui s’entrechoquent, des rires, le parfum d’une volaille dans le four. Huit jours, une éternité. Dans une semaine c’est Noël.
A Vannes le Père Noël n’aime pas le foot, il débarque sur le port à l’heure du coup d’envoi de la finale entre la France et l’Argentine. Paris risqué ! D’autant que le crachin qui continue de tomber en Bretagne et les risques de gel n’incitent pas à sortir. Pour le moment, il n’y a pas âme qui vive place des Lices. Les tables, les chaises des cafés restent empilées. On retient son souffle dans l’attente d’une nouvelle victoire de l’équipe nationale qui rejoindrait ainsi le Brésil et l’Italie, seuls pays à avoir remporté deux éditions successives. Un succès, et après ? La liesse populaire, la gueule de bois de l’avenir sans horizon.
J’essaie de me rappeler juillet 1998 à Nantes. Un dîner au milieu de la nuit. Nous avions fêté la victoire de l’équipe de France. On est pas sérieux quand on a vingt-sept ans. Je me souviens de notre allégresse, nous étions jeunes et insouciants.
J’ai retrouvé cette année un peu de ce bonheur d’antan. Ai-je honte de l’avouer, j’ai même été heureux. Heureux à l’approche du pont de chemin de fer qui enjambes le Scorff. Radieux de sentir le sable chaud crisser sous mon corps alors que, les yeux clos, je sentais le soleil brûler ma peau et que le bruit du ressac se faisait plus présent au fur et à mesure que la mer léchait les grèves. Joyeux d’écrire et d’être lu. Riche d’envie et de plaisir. Satisfait de vivre.
Bientôt Noël, bientôt le match. Un air de Bagad vient troubler le silence. Bombardes, binious et percussions défient l’hiver et la pluie, attirant quelques badauds curieux. L’enceinte connectée continue d’égrener des chansons qui n’en finissent pas de me souhaiter un joyeux Noël. Compte à rebours. Sinatra succède à Kylie Minogue. Le Père Noël arrive en ville. A travers la vitre, j’observe mi surpris mi amusé les passants qui convergent vers les quais. Chuck Berry prie Rudolf de courir tandis que Miley Cyrus m’invite à une promenade en traineau. Quelques pas de danse, Claquer des doigts. Où est ma cavalière ?